SIGNES D’INCROYANCE CHEZ DEUX CHANTEURS QUÉBÉCOIS DÉCÉDÉS

 


Les années 2023 et 2024 ont été marquées, sur la scène artistique, par le départ de deux icônes de la chanson québécoise: Karl Tremblay, chanteur des Cowboys Fringants (1976-2023) et Jean-Pierre Ferland (1934-2024).

Des artistes qui m’ont marqué

J’ai personnellement beaucoup aimé Jean-Pierre Ferland, pendant mon adolescence (les années 70). Plus tard, lorsque c’était au tour de mes fils de passer par l’adolescence, ils m’ont fait découvrir les Cowboys Fringants et leurs chansons touchantes, quelquefois amusantes et surtout engagées. Un de mes fils avait reçu le DVD de leur concert au Centre Bell, Montréal, le 30 décembre 2003.

Je me souviens d’une soirée de spectacle de l’Outaouais en fête, à l’occasion des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, en juin 2016, avec mon fils aîné, il « pleuvait à boire debout » si la mémoire ne me fait pas défaut! Mais la chaleur humaine était au rendez-vous!  Je suis ensuite retourné au même festival les voir en 2022. Les Cowboys m’ont marqué, en l’occurrence l’authenticité de Karl, et la fougue de Marie-Annick Lépine, sa conjointe, au violon et à la mandoline...

Karl Tremblay et « La fin du show »  

Ce qui m’a attristé en 2023, ce fut non seulement son décès, mais le contenu de son « chant du cygne » portant la marque de la sécularité : « La fin du show ».

Cette chanson est très poignante, très touchante, mais ce qui m’a déçu, c’est la vision séculariste qu’elle transmet, dénuée de tout espoir pour l’au-delà.


« Adieu, frères de larmes et de sang

Ou devrais-je vous dire à néant?

Parce qu’au moment d’la fin du show

Y’a rien d’l’autre côté du rideau »[1]

L’auteur remplace « Adieu » par « à néant » ce qui est explicité par le segment qui complète le paragraphe : « Y’a rien d’l’autre côté du rideau ». Cette vision nihiliste n’offre rien d’encourageant pour les humains que nous sommes.

« Pas de voyage organisé

Dans un tunnel illuminé

Pas d’enfer ni de paradis

Tout ça c’est des esties d’conneries »[2]

Ici, on rejette de manière détaillée toute possibilité d’une survivance post-mortem. Toute croyance en un au-delà est refusée avec véhémence et dédain.

Karl a fait chanter (et continuera de le faire) de multiples générations de Québécoises et de Québécois, ainsi que de nombreux membres de la francophonie. Je trouve tellement dommage que cette dernière chanson ne nous laisse aucun signe d’espoir sinon « l’ici et le maintenant », les plaisirs de la terre, les bonheurs éphémères.

Ne me méprenez pas! Je ne rejette pas l’ensemble de l’œuvre de Karl Tremblay et des Cowboys. Ces chansons empreintes d’humanité et d’authenticité resteront gravées dans nos mémoires. Mais « La fin du show », tout en reflétant dans les mots du paroliers Jean-François Pauzé – le fond de la pensée de Karl, me laisse avec un goût amer, sans aucune porte ouverte sur l’au-delà de cette vie. Il s’agit plutôt d’une porte ouverte sur le néant, ou plutôt refermée sur le réalité présente.

 

Jean-Pierre Ferland : « Une chance qu’on s’a » 

Je n’ai jamais eu en ma possession d’albums de Jean-Pierre Ferland, mais je demeurais chez oncle Rolland et tante Rachel et une de mes cousines l’écoutait régulièrement, surtout l’album « Jaune » (1970), « Soleil » (1971) et « Les vierges du Québec » (1974). Ces albums étaient d’une grande qualité musicale. Lorsque JPF est revenu au Québec, après un grand succès en France, il s’est entouré de musiciens de qualité. Il a commandé des synthétiseurs Moog, « instrument jusque-là inconnu au Québec »[3]. Il a embauché trois musiciens américains réputés : David Spinozza (P. McCartney), Tony Levin (P. Gabriel) et Jim Young.

Un des derniers succès « Une chance qu’on s’a » (1995) est une chanson d’amour très touchante. Ce qui m’attriste, ici encore, dans cette chanson, c’est le couplet suivant :

« Le paradis, c’est ici. Y a pas d’autre vie ».

Ces paroles me rappellent celle d’Imagine de John Lennon (1971) :

« Imagine there's no heaven

It's easy if you try

No hell below us

Above us, only sky »[4]

Il s’agit du même propos exprimé différemment. Lennon exprime une vision du monde dénuée d’une croyance en la réalité de l’au-delà. Plusieurs décennies plus tard, JPF, un de nos illustres chansonniers, nous laisse une chanson, où l’incroyance, le refus de l’au-delà, d’une vie après la mort, est inséré dans une pièce qui, autrement, revêt une très grande qualité linguistique et musicale.

Conclusion

Nous devons faire le constat suivant : de telles paroles amènent les membres de notre population à accepter des idées que je juge nocives, car elles nous condamnent à ne nous satisfaire que de « l’ici » et du « maintenant »; elles nous enferment dans une réalité partielle, insuffisante, privée d’une ouverture sur l’invisible; on ne rend compte alors que de l’aspect empirique, visible, tangible de la vie. Or, la vie inclut la dimension immatérielle, voire spirituelle, l’au-delà, la réalité du Créateur et de la relation que nous devons cultiver avec lui.

Il y a des réalités qui dépassent le visible.

C’est ce à quoi me fait penser la chanson de Gerry Boulet :

« Aujourd’hui je vois la vie

Avec les yeux du cœur;

J’suis plus sensible à l’invisible… »[5]

En outre, le musicien anglophone canadien Bruce Cockburn en faisait état au début de sa carrière :  avec sa chanson « Lord of the Starfield » (1976), explicitement chrétienne, puis « Child of the Wind » (1991) où il nous transmet cette conscience de la transcendance. « Il relève merveilleusement bien ce défi de parler de la cassure du monde en laissant l’auditeur un peu plus familier avec le transcendant et dans l’espérance.[6] »

Par ailleurs, c’est aussi ce que nous rappelle fondamentalement le Nouveau Testament : 

« Or, la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère,

une démonstration de celles qu’on ne voit pas. »

(Hébreux 11.1)

J’espère que ces quelques propos pourront permettre, chez quelques-unes et quelques-uns, l’amorce d’une réflexion sur l’importance de la foi non seulement dans le milieu musical ou artistique, mais en chacune et chacun d’entre nous et ce, non seulement pour cette vie, mais pour celle qui est à venir.

En conclusion, nous pouvons nous poser la question suivante : Pourquoi n’y aurait-il pas autre chose que le néant, une vie « après la vie », voire un lieu où la justice sera finalement manifestée et un lieu où l’on reçoit la grâce d’une vie foisonnante d’une durée éternelle, mais aussi où cette vie revêt une qualité éternelle.

 

André Pinard, Ph. D., traducteur.



[2] https://genius.com/Les-cowboys-fringants-la-fin-du-show-lyrics (site consulté le 2025-01-12).

[4] https://genius.com/John-lennon-imagine-lyrics (site consulté le 2025-01-12).

[6] Ce que m’a rappelé le musicien et auteur Richard Ouellette, qui considère Bruce Cockburn comme son mentor. Il me rappelait que, même si le musicien d’origine ottavienne compose principalement en anglais, il a, à son actif, plusieurs chansons en français. Et ses chansons anglaises ont longtemps été traduites en français sur les pochettes de ses disques. 

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